Cette fille qui ne riait pas (ou l’histoire de mon harcèlement scolaire)

Cindy Manu

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harcèlement scolaire témoignage

Jeune femme incomprise par ses proches, elle témoigne de son harcèlement scolaire qui a duré trop longtemps et dont elle n’a jamais osé parler jusqu’au bout.

Ce témoignage, nous l’avons reçu anonymement. Par respect pour cette personne, nous avons gardé le texte intact.

Cette histoire elle a duré toute mon adolescence… et elle a largement conditionné ma vie d’adulte. Cette histoire je ne l’ai jamais racontée entièrement, dans tous ses détails à quiconque. Les détails les plus atroces, je les ai toujours gardés pour moi. La plupart de mes proches savent que je n’ai pas bien vécu ma scolarité au collège et au lycée – pour eux cela reste en grande partie dû au fait que j’étais une adolescente timide et un peu boulote.

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Témoignage d’une victime d’harcèlement scolaire

Ça a commencé alors que j’avais 13 ans. Mes parents avaient divorcé, quelques années plus tard ma mère rencontrait son nouveau conjoint et nous emménagions avec lui. Je quittais tout ce que je connaissais, les quelques amis que j’avais depuis l’enfance… pour une toute nouvelle vie.

C’est le 1er chapitre de mon harcèlement scolaire.

Le bus infernal

Pour aller au collège chaque matin, il me fallait prendre un bus. Ce bus distribuait des arrêts dans plusieurs collèges différents.

Ici, ce ne sont pas mes camarades de classe qui étaient mes bourreaux (oui je ne peux que les appeler comme ça) mais ceux avec qui je partageais le transport en commun.

Ces jeunes n’ont jamais cherché à me connaître. Ils m’ont vue, très timide, un peu bouboule… et se sont dit que je serai la cible idéale pour les deux prochaines années à venir.

Chaque matin je devais …
–    Parcourir le bus en long et en large pour essayer d’avoir une place : Chaque occupant du bus s’installait seul sur des sièges pour deux… Et systématiquement ne me laissait pas accéder à la place à côté de la sienne, jusqu’à intervention du chauffeur de bus.
–    Entendre les insultes de ses occupants : « Tas de viande » … « Grosse » … et autres mignonneries
–    Subir les coups : … je descendais au dernier arrêt après tous les autres. Au moment de sortir, chaque jeune passager venait flanquer un gros coup de genou dans le dos du siège sur lequel j’étais assise.
–    Subir parfois des « bizutages »… ça n’est pas souvent arrivé. Mais je me souviens bien d’une fois où l’une des filles du bus a versé dans mes cheveux une mixture qu’elle avait préparé avec soin comprenant entre autres de l’encre, du sucre et d’autres cochonneries.

J’ai supporté tout ça durant 2 ans, presque tous les jours. Chaque soir, chaque matin, 30 minutes d’un trajet qui tenait plus de la torture que du ramassage scolaire, au point que j’étais heureuse lorsque j’avais l’opportunité de ne pas le prendre.

Ce qui me faisait tenir ? L’idée que ce serait fini au moment de mon entrée au lycée…

Lycée, isolation et harcèlement

J’ai commencé ma scolarité au lycée avec beaucoup d’appréhension. Aucune de mes bonnes amies n’avaient choisi ce lycée… Et je me retrouvais seule. Avec une confiance et une estime pour moi-même minuscule après ce que j’avais subi durant les deux dernières années presque chaque jour.

J’avais réussi à me persuader que je n’étais pas intéressante. Et les quelques personnes que j’avais connu au collègue, et qui étaient ici avec moi avaient rapidement réussi à s’intégrer parmi les populaires du bahut. M’oubliant donc rapidement…

J’ai alors tenté de m’intégrer à des groupes divers – mais soit je n’étais pas la bienvenue, soit de par mes expériences précédentes j’avais l’impression de ne pas l’être.

Bref je me suis retrouvée complètement seule. Et ça a commencé comme ça.

J’étais plutôt calme, pas bavarde… je m’isolai de jour en jour, au point de devenir complètement morne. Je me souviens qu’à l’époque j’écoutais les cours à moitié et griffonnait des dessins sur mes feuilles de cours. Il se passait des jours où je ne prononçais pas un mot de la journée, où je n’avais pas une interaction, avant de rentrer chez moi le soir.

J’allais manger seule à la cantine pour le déjeuner. Puis je trouvais ça tellement déprimant que j’ai fini par ne plus aller manger du tout, sautant tous mes repas de midi. Aujourd’hui lorsque je regarde mon carnet de santé je constate la chute vertigineuse de ma courbe de poids à cette époque. Bouboule n’était plus.

Les filles m’ignoraient ou riaient dans mon dos. Les garçons me gratifiaient de réflexions et sous-entendus sexuellement explicites. Ça s’est passé comme ça pendant le premier trimestre de mon année de seconde. Seule, moquée, mais à peu près tranquille : je n’entendais pas les insultes, je ne subissais pas de coups. Qualifiée de « snob », « refusant de s’intégrer » dans les rapports des conseils de classe… je ne savais pas si on ne me comprenait pas, ou si j’étais simplement bizarre, anormale.

Puis un jour, le prof d’histoire a trouvé qu’il serait fortuit de m’assimiler à une punition. Si tu foutais le bordel au fond de la classe, c’est à côté de moi qu’on venait te placer… Le blâme suprême : quelques heures à côté de la fille qui ne parlait pas,  à côté de la fille ne riait pas…

C’est comme ça que je me suis retrouvée avec A. comme voisin –  il avait dépassé les limites au point qu’il était devenu mon voisin définitif d’histoire-géo et éducation civique.

A. C’était un peu le chef de file des garçons qui aimaient bien me faire des réflexions sur « mon cul » et faire des grimaces dégueulasses et explicites avec leur langue. Et une fois à côté de moi en cours, A. a eu de la suite dans les idées.

C’est la petite partie cachée de mon harcèlement scolaire. Celle que personne ne connaît. Celle que je raconte ici anonymement.

Un jeune homme sûr de lui, sans doute un peu perturbé, qui s’amuse à des attouchements trop intimes sur sa voisine de classe, trop timide, vulnérable – et qui la force a poser sa main sur sa propre entrejambe pour lui faire constater son érection. Sans que ce crétin de prof s’en aperçoive, sans qu’aucun des camarades de classe qui à un moment a entrevu ces scènes ne réagisse.

« Raconte-le, je te bute, je te ferai passer pour une salope »

Dépression et fin

J’ai commencé à avoir des problèmes de santé : étourdissements, fièvres très élevées. Sans compter la perte de poids. Ma mère a commencé à s’inquiéter, et m’a emmené voir le médecin, perplexe concernant mon état.

«  – Est-ce que tu as des soucis ?
–    Non…
–    Alors c’est sans doute viral »

J’ai passé 3 semaines alitée, à la maison. Personne n’a su pourquoi j’étais si mal. Peut-être notre médecin s’en doutait-il. Depuis des semaines, je ne supportais plus de me rendre en cours. Je me souviens de ces maux têtes constants, ils ne me quittaient jamais. La peur de croiser des personnes, des regards. L’envie d’être invisible.
Cette envie aussi de ne plus exister, d’en finir…

Puis le quotidien a repris son cours. J’ai poursuivi mon année dans les mêmes conditions.

De justesse j’ai réussi à passer en première. Changement de classe… j’étais débarrassée de A., de ses mains, de ce qu’il faisait et de ce qu’il disait. Et si je l’ai croisé par la suite dans les couloirs ou les espaces extérieurs – si les remarques explicites ont continué il ne m’a plus jamais touchée.

J’ai fini mon lycée toujours seule globalement – mais tranquille. Et je garde aujourd’hui un mauvais souvenir de cette adolescence.

Je m’en veux de n’avoir pas eu la force de caractère que j’aurai pu avoir aujourd’hui – et de ne pas avoir parlé, de ne pas avoir agi, et de ne pas m’être protégée.

J’en veux aussi à tous les autres, à leur méchanceté gratuite, de n’avoir eu conscience du mal qui faisaient, de n’avoir pas su mettre de limites.

J’ai subi un harcèlement moral, physique parfois. Sexuel, pendant des mois. Je me suis rendu malade, j’ai mis ma santé en danger … personne n’a jamais su vraiment se rendre compte que j’allais mal, ou ils ont simplement fermé les yeux.

Si vous êtes un adulte, si vous avez des enfants. Protégez-les, soyez attentifs. Ils peuvent aller mal, vivre des choses terribles sans pour autant en parler.

À lire également : Harcèlement scolaire, quand des mots peuvent tuer.

Si vous êtes un(e) ado, si vous subissez une forme de harcèlement à l’école, agissez. Parler en à vos parents, à un enseignant, à un professionnel de santé. Personne n’a le droit de vous faire du mal, et peu importe sous quelle forme.

Le mieux reste je crois d’essayer de reprendre confiance en soi, et de changer d’établissement. Partir sur une nouvelle page, toute blanche.

Mais s’il vous plait, ne faites pas comme moi et ne vous enfermez jamais dans le silence et la solitude.

Témoignage d’une ex-adolescente des années 2000 victime de harcèlement scolaire – aujourd’hui jeune femme épanouie, heureuse et bien dans ses baskets !

Cindy

Cindy Manu

Passionnée par le monde des mots et avide de découvertes, je m'appelle Maria Alejandra. En tant que rédactrice au sein de ce magazine féminin, je suis constamment en quête d'informations captivantes à partager avec notre précieuse communauté.

Ma curiosité insatiable m'entraîne à explorer les recoins les plus variés d'Internet, où je dévore avec enthousiasme tout ce que je peux trouver. C'est avec une joie débordante que je m'engage à vous transmettre les trésors de connaissances que je découvre, en particulier dans le domaine des animaux.

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